vendredi 5 avril 2013

Villeray se raconte : Le maître des clés

Villeray se raconte est le résultat de la volonté de membres du CSA de connaître le quartier à travers le regard des gens qui l’habitent et qui l’animent par leur engagement. Rapidement, nous nous sommes rendu compte que ces portraits permettent d’illustrer comment de multiples principes que nous défendons s’incarnent dans le quotidien de nos voisins. C’est ce que nous voulons partager.

La première de cette série de rencontres a lieu chez Antonio. Par la porte entrebâillée, une dame un peu méfiante nous informe que son mari n’est pas là, qu’il est allé faire sa tournée du voisinage. Nous hésitons à patienter quand l’homme surgit. Jeune retraité à l’œil vif et à la démarche assurée, Antonio nous offre café et pâtisseries, puis se lance.

Arrivé avec sa femme en 1960, arraché par l’indigence à sa Campania natale, Antonio habite sa maison de l’est de Villeray depuis 47 ans. Sa rencontre avec ce pays de neige, au terme d’une traversée de 12 jours, est d’abord marquée du sceau du déracinement. Comme nombre d’immigrants d’alors et d’aujourd’hui, ce fils de paysan ne parle ni français ni anglais, ne connaît pas les mœurs du pays, n’a que sa fougue et son audace comme seules ressources. C’est d’abord par le travail que se fera son intégration. Soucieux de gagner les moyens de subsister et de fonder une famille, Antonio tisse des liens au sein de la communauté italienne. Sa femme et lui travaillent d’abord dans les fermes du nord de l’île. L’autobus vient les chercher tous les matins et les ramène tous les soirs, après de longues journées de travaux agricoles pour lesquels ils se méritent 1$ l’heure. Les relations d’Antonio dans la communauté italienne lui permettent bientôt d’obtenir un boulot de serveur dans un café du quartier, puis de travailler dans une usine de teinture, où il gravit rapidement les échelons, et où ses premiers véritables contacts hors de la communauté italienne le conduiront à apprendre le français et l'anglais. Le paysan devenu ouvrier a maintenant les moyens de bâtir un foyer et de tracer sa marque dans le quartier.

Dans leur maison de Villeray, Antonio et sa femme insufflent un peu de cette chaleur campagnarde, basée sur l'hospitalité, mais d’abord sur la ... cuisine. Ces pionniers inconscients de l’agriculture urbaine cultivent dans leur jardin fruits, légumes et herbes aromatiques. L’hiver, le garage devient caveau pour entreposer les arbustes et les récoltes, ou pour sécher le saucisson et le prosciutto. Le couple cuisine son pain, ses pastas, ses sauces, avec les produits du jardin et du Marché Jean-Talon. Ce souci de la qualité des produits et du travail domestique est naturel pour Antonio, qui nous raconte l’avoir appris de son père. Importé au Québec, cet amour des aliments frais et des grandes bouffes communes ont du s’adapter aux contraintes du climat, et Antonio nous assure que son fils, né ici, fait à son tour sa pâte à pizza. Les surplus de la familia sont distribués chez les voisins, les commerçants, jusqu’au Carrefour St-Michel, organisme communautaire du quartier qui réunit les résidents  autour de repas communs et où la cuisine est d’abord prétexte aux rencontres et aux échanges.

Fort de son parcours unique, Antonio a développé une manière créative d’encourager un esprit de communauté dans son voisinage en occupant le rôle de gardien du quartier. Tous les jours, il marche sur les rues avoisinantes pour rencontrer chaque habitant de ce coin du quartier. Personne ne semble ignorer qui il est, du moins lui les connait tous et leur rend divers services. Il conserve les clés de plusieurs appartements et surveille les logements lorsque leurs locataires s’absentent pour plusieurs jours. Il raconte avec fierté être intervenu lors d’une inondation au deuxième étage d’un immeuble, soutenant que tout aurait été ruiné sans son intervention. Dernièrement, une agression a eu lieu dans le voisinage et le gardien est allé avertir chaque famille de ce qui s’était passé pour leur conseiller d’être vigilantes.

Antonio, par les liens continuels qu’il entretient avec ses voisins, permet au quartier de se raconter et du coup lui donne un surplus d’existence. Il agit comme une courroie assurant le partage des histoires et des enjeux quotidiens qui permet la constitution d’un sentiment d’appartenance et l’augmentation de la confiance partagée entre les gens. En outre, cette création d’un espace de dialogue et d’échange permet une transmission d’informations qui peut mener à une plus grande implication dans les enjeux à plus grande échelle.

Le nouveau retraité utilise cette opportunité pour faire circuler des pétitions, publiciser des manifestations ou encore encourager les discussions sur les enjeux du quartier. Lors de notre visite, il s’intéressait particulièrement au projet de construction d’une usine de compostage dans l’ancienne carrière Miron. Il veut s’assurer que les citoyens aient leur mot à dire sur le réaménagement de cet espace. La présence de ce réseau au cœur du voisinage illustre comment une conscience commune peut naitre de la préoccupation de quelques citoyens pour la vie de leur voisins. La mobilisation d’une communauté se fait lentement et de manière continue. Elle nécessite d’abord un réseau de connaissances fort qui garantit le partage d’informations et le renforcement des repères. Une fois ce réseau créé, la réactivité de la communauté est plus forte et l’entraide plus facile.

Ce qui nous marque d’abord de l’histoire d’Antonio est l’importance du respect du rythme dans le processus migratoire et plus particulièrement dans celui d’intégration à la société d’accueil. En laissant le temps aux personnes de se sentir accueillies et incluses dans la société, sans les contraintes qui trop souvent entravent le processus, leurs multiples compétences pourront se développer en initiatives bénéfiques et créatives pour la société. Son histoire permet également de voir les avantages et les ressources que peut amener la communauté d’origine pour l’intégration des nouveaux arrivants, incluant des possibilités d’emplois et de soutien. Avant de craindre la ghettoïsation, il est pertinent de se pencher sur les apports que ces relations peuvent représenter. En analysant la singularité de son parcours, nous voulions également permettre une initiation à la diversité des réalités des personnes migrantes et ouvrir la porte à la déconstruction de certains préjugés.

Tout en demeurant méfiants envers la généralisation et la rigidité d’un discours «culturaliste», nous avons le sentiment que le bagage culturel propre à chacun, loin de conduire nécessairement au repli, est en fait la condition nécessaire au déploiement de ses forces et désirs, pour autant que lui soit reconnue cette singularité, et que la curiosité prélude aux échanges, puisque la vie est avant tout une histoire de rencontres.   

mercredi 20 février 2013

La caravane se met en route

« Chaque lecture est un acte de résistance. Une lecture bien menée sauve de tout, y compris de soi-même » Daniel Pennac

Voilà, ils sont partis!

Ces livres avec lesquels nous avons grandi, livres qui nous transforment ou nous font passer le temps, qui jamais ne nous laissent indifférents, nous les avons déposés dans quelques lieux. Ce n'est pour eux qu'une halte, avant qu'ils ne partagent les trajets de métro ou les insomnie de nouveaux lecteurs.

La bibliothèque libre est un projet de partage. L'idée est simple : un livre est fait pour être lu. Il doit ensuite
passer à quelqu'un d'autre. Sans local, nous avons décidé de les déposer dans des lieux publics, des cafés
en l'occurence, en divers points de Villeray, pour que d'autres les prennent. Une cinquantaine de livres ont été laissés jusqu'à présent, avec pour seule signature une étiquette qui explique le projet, et les instructions : après l'avoir lu, déposez-le ailleurs, ou donnez-le à un ami.

Quelques classiques ont ainsi quitté nos bibliothèques pour de nouveaux périples. «Le meilleur des mondes»,
d'Aldous Huxley, riche réflexion sur la formatisation de nos vies et la mort de l'instinct ; «La vie devant soi» de Romain Gary, récit douloureux de l'enfance et de l'éveil, mais aussi plein de romans policiers, romans de gare, romans québécois.

Au-delà du partage, le projet se veut également une manière de transmettre la joie de la lecture, par laquelle se font de beaux apprentissages, de belles expériences.

C'est aussi une façon d'habiter Villeray, de tendre la main à nos voisins, de vivre cette solidarité qui nous unis
de manière plus concrète depuis le printemps dernier. Montrer que le quartier est un lieu de rencontre, même si elles se font par l'entremise d'un livre ; pour faire vivre cette pensée de Marcel Proust selon qui « la lecture est une amitié ».

mercredi 14 novembre 2012

Ouverture de la page du CSA de Villeray

Cette nouvelle page web servira à annoncer les activités et développements en lien avec le comité du Centre Social Autogéré de Villeray, formé le 9 juin 2012 lors de la première Assemblée Populaire Autonome de Quartier de Villeray. Sous peu, nous diffuserons de toutes nouvelles informations afin d'expliquer en quoi consiste exactement ce projet imaginé dans la foulée des évènements du « Printemps Érable » et inspiré d'une foule d'autres organisations semblables à travers le monde.